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Un air de Venise à La Baie: dans l'atelier de Giuseppe - Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le Fjord

Un air de Venise à La Baie: dans l'atelier de Giuseppe

Il y a comme un air de Venise qui règne depuis une trentaine d’années, à La Baie. Venu s’installer dans la région pour ouvrir un atelier de verre soufflé et vendre ses créations, Giuseppe Benedetto fait honneur à ses racines italiennes en faisant perdurer les techniques vénitiennes du soufflage du verre à l’autre bout du monde, tout en perfectionnant les siennes, au fil des expériences, réussies ou ratées.

Le client a à peine passé les portes de la verrerie d’art Touverre, située à proximité du Musée du Fjord, qu’il se retrouve projeté dans un autre univers, empreint de transparence, de couleurs et de délicatesse. Il faut dire que les sculptures en verre de Giuseppe Benedetto ont de quoi impressionner. Toupies géantes, assemblage de baleines et sébastes. Toutes s’inspirent de l’environnement qui entoure l’artiste.

« Les pièces que je fais ici sont beaucoup moins impressionnantes que celles qu’on peut trouver en Italie, souligne le souffleur de verre. Ici, je suis tout seul avec Marc-André, alors que dans les ateliers à Venise, ils sont au moins deux ou trois personnes. Ils peuvent donc plus facilement faire de grosses pièces. »

Qu’importe la taille des oeuvres, c’est surtout le travail du verre qui est impressionnant et captivant à regarder. Précision, rapidité et patience, le tout enrobé de délicatesse : voilà les qualités qu’il faut pour être un bon souffleur de verre.

À regarder faire le propriétaire des lieux, travailler le verre semble presque facile. Il a réalisé un colibri en verre sous les yeux de la journaliste et de la photographe du Progrès en dix minutes, montre en main. En réalité, il faut être vif et habile de ses mains pour que le verre reste suffisamment malléable le temps de lui donner sa forme et ses couleurs.

« Plus on fait de grosses pièces, plus c’est difficile de travailler, parce qu’il y a beaucoup de transfert de canne pour faire les assemblages ou donner des formes plus sophistiquées. Et puis, il y a aussi le fait de travailler dans la chaleur et d’être tout le temps en mouvement », confie Giuseppe Benedetto, en montrant les deux gros fours derrière lui.

Chaud devant

Pour faire du verre, il faut d’abord faire fondre du sable (de la silice) dans un four qui dépasse les 1700 degrés Celsius, pour le rendre presque liquide. L’artisan va ensuite venir chercher un peu de verre à l’aide d’une longue canne pour le faire rouler contre une surface en inox (marbrage), puis souffler dans la canne une première fois afin de lui donner un peu de forme. Il est aussi possible de colorer le verre en faisant rouler le bout de la canne dans des pigments. Il faut ensuite rajouter une couche de verre.

Après un passage rapide dans un four moins puissant que le premier (1000 à 1100 °C), histoire de garder la malléabilité du matériau, il est temps de donner les couleurs et de choisir les décorations qui orneront le produit final. Pour cela, il est possible d’utiliser des tiges ou des brisures de verre, lesquelles, une fois mélangées et chauffées, offriront une pièce et un décor unique.

La suite consiste en une série d’allers-retours entre le deuxième four, tourner la canne pour donner au verre en fusion la forme désirée et souffler juste assez pour ne pas déformer ou faire éclater la boule en formation. Le souffleur prend ensuite un épais journal en papier, mouillé, sur lequel il va venir faire rouler le verre pour le refroidir et affiner la forme.

L’autre enjeu dans le soufflage du verre, c’est le refroidissement. « Si on laisse refroidir l’objet à l’extérieur, ça va faire un choc de température et le verre va se fissurer, mentionne Giuseppe. On utilise un four qui va accompagner le refroidissement et baisser la chaleur petit à petit. »

Mais le travail du verre ne se limite pas seulement au soufflage. Il est possible de travailler le verre à froid. Il y a aussi le collage du verre à chaud avec un chalumeau, le thermoformage et la gravure, toutes des techniques que l’artiste a appris à maîtriser lorsqu’il a découvert qu’il voulait se lancer dans cette aventure.

Il travaille par ailleurs avec des fours électriques, ce qui fait que son atelier rejette très peu de dioxyde de carbone.

« C’est l’atelier de verre soufflé le plus propre du Québec. »

— Giuseppe Benedetto

Une recherche qui vient de loin

L’aventure de Giuseppe Benedetto commence dans un petit village en Italie, alors qu’il suit des cours au lycée artistique. On lui apprend les rudiments du dessin, de la sculpture et de la peinture.

« Une fois mes études terminées, je me suis un peu retrouvé dans une impasse, se souvient-il. Soit je restais en Italie et je commençais à travailler à l’usine, soit je quittais le pays pour continuer mes études. »

Il existe plusieurs façons de travailler le verre : à froid, par collage à chaud avec un chalumeau, thermoformage ou gravure.

Il choisit alors la deuxième option et vient poursuivre ses études en art au Québec, en 1967.

Il devient détenteur d’une maîtrise en sculpture de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), puis d’un baccalauréat en enseignement des arts de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), en 1976, à la suite duquel il se met à travailler dans les cégeps, à l’UQAC ou à l’École secondaire des Grandes-Marées, à La Baie.

« Je me suis rendu compte que j’aimais transmettre mes connaissances en art. Je leur apprenais des techniques qui les intéressaient, explique-t-il. Et en même temps que j’enseignais, je continuais à créer, à produire, à faire de la sculpture, de la peinture et des expériences inusitées. »

Dans les années 1986-87, Giuseppe est en plein développement personnel et artistique, mais il se cherche une voie différente de ce qu’il a déjà fait. « Je cherchais la raison de mon art, alors je me suis inscrit en philosophie et j’ai beaucoup lu de philosophes », raconte-t-il.

C’est pendant ses études et ses recherches qu’il se rend compte de ce qu’il cherche réellement à travers les sculptures où le vide est présent : la transparence. C’est comme ça qu’il prend des cours avec Espace verre pour apprendre les différentes techniques.

En faisant quelques recherches, il réalise qu’il n’existe pas d’atelier de verre comme à Venise ou à Murano. Alors, il décide d’en aménager un à La Baie, en 1993.

D’expérience en expérience

Il ne faut pas se le cacher : Giuseppe Benedetto n’est pas devenu un talentueux artisan du verre du jour au lendemain. Il a cassé et raté bien des figurines avant de pouvoir atteindre la technique parfaite. Une partie de son atelier est d’ailleurs remplie d’objets et de vases en tout genre qui ne verront jamais l’extérieur de l’atelier, car ils sont considérés comme « pas beaux ». Certains auront en revanche peut-être la chance d’être retravaillés.

« Chaque fois que j’apprenais une nouvelle technique, je revenais la pratiquer dans mon atelier. Mais il y a eu beaucoup de pièces brisées, au fil des années. J’ai fait beaucoup, beaucoup d’expériences », sourit Giuseppe.

Ce qui le maintient année après année dans cette voie, selon lui, ce sont les expériences qu’il peut faire pour aller toujours plus loin. « C’est comme un feu intérieur. C’est un art qui allie un peu tous les autres, la sculpture, la peinture, et je m’inspire des grands artistes pour décorer le verre. Je n’ai jamais la même journée », conclut-il fièrement.

Source : L'article est paru sur le site du journal Le Quotidien le 7 janvier 2023. Vous pouvez retrouver l'article ici.