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Plus de 200 millions de surplus accumulés à Mashteuiatsh - Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le Fjord

Plus de 200 millions de surplus accumulés à Mashteuiatsh

Au fil des dernières décennies, Mashteuiatsh est devenue un modèle de gestion financière. En diversifiant ses sources de revenus, la communauté innue détient désormais 202 millions en surplus accumulés. Ces sommes permettront d’investir dans des programmes qui ne sont pas financés par les gouvernements, mais Pekuakamiulnuatsh Takuhikan souhaite aussi préserver des montants pour les générations futures.

Démarche d’autonomie gouvernementale, bonne gouvernance, mise en place de processus financiers rigoureux, investissements dans des projets structurants qui génèrent de revenus autonomes, les raisons sont multiples pour expliquer l’excellente santé financière de la communauté ilnu du Lac-Saint-Jean.

L’année financière 2022-2023 a été excellente pour Mashteuiatsh, alors que la communauté a engrangé un surplus de 21 millions. «Je fais de la politique depuis 1997, et c’est la première fois qu’on a des résultats aussi extraordinaires», a mentionné Gilbert Dominique lors d’une rencontre publique sur les états financiers présentée le 30 août 2023.

«Depuis quelques années, nos équipes ont réussi très bien à équilibrer le budget et à générer des excédents positifs, dit-il. Si on ajoute les revenus autonomes tirés des redevances et de nos projets structurants, comme les minicentrales, on est bien positionné pour l’avenir.»

Il n’y a pas si longtemps, Pekuakamiulnuatsh Takuhikan anticipait pourtant un déficit annuel de plus de 1,5 million, remarque le chef. Que s’est-il passé?

En route vers l’autonomie gouvernementale

La longue marche vers l’autonomie gouvernementale et financière de Mashteuiatsh a débuté en 1969, quand la communauté a décidé de montrer la porte de sortie à l’agent des terres du gouvernement fédéral, soutient Patrick Courtois, vice-chef aux relations avec la communauté et la région pour Pekuakamiulnuatsh Takuhikan.

«Au départ, la communauté faisait 900 km², mais l’agent des terres profitait de l’absence des ilnus en hiver pour vendre des morceaux, si bien que la communauté ne couvre que 15 km² aujourd’hui», déplore-t-il.

C’est à partir de ce moment que la communauté a commencé à prendre en charge de plus en plus de responsabilités, une démarche qui s’est poursuivie dans les années 1970 avec l’éducation, puis avec la santé dans les années 1980.

Mashteuiatsh a aussi gagné en autonomie financière en rapatriant plusieurs pouvoirs jadis gérés par Ottawa. La communauté innue a notamment adopté son propre code foncier, faisant en sorte qu’elle gère elle-même ses terres, avec les fonds qui y sont associés. Au fil des ans, elle a également reçu davantage de responsabilité et de financement en santé et en éducation.

De plus, Pekukamiulnuatsh Takuhikan a également adopté la Loi sur l’administration financière en 2013, ce qui assure un système d’administration rigoureux, mentionne Gilbert Dominique.

Générer des revenus autonomes

La négociation d’ententes pour l’exploitation et la gestion des ressources naturelles ont aussi permis de générer des revenus importants pour Mashteuiatsh. Par exemple, en 2022-2023, des ententes avec Hydro-Québec ont permis de générer des revenus de 1,5 million et de 825 000 $ pour l’exploitation des barrages sur les rivières Péribonka et Manouane. Les 250 000 mètres cubes de bois réservés à la communauté ont pour leur part généré des revenus de 2,3 millions.

Les investissements dans les projets structurants comme c’est le cas avec les minicentrales hydroélectriques rapportent également des sommes importantes. En 2022-2023, les revenus tirés de ces barrages s’élevaient à 6,8 millions.

En tout et partout, près de la moitié des surplus accumulés proviennent des revenus autonomes, souligne le chef Dominique.

Mashteuiatsh compte utiliser ces surplus millions de dollars judicieusement, et en attendant, ces montants permettent de faire encore plus d’argent, en générer des revenus d’intérêt, qui s’élèvent à 2,1 millions en 2022-2023.

Comment ces montants seront investis?

Près de la moitié des montants accumulés par Mashteuiatsh provient d’enveloppes spécifiques pour offrir des services en santé, en éducation, pour les infrastructures ou pour la sécurité publique. «Cet argent doit être investi selon des paramètres précis», note Guylaine Simard, ajoutant que des surplus ont notamment été accumulés pendant la pandémie ou à cause de la pénurie de main-d’œuvre.

L’autre moitié du surplus de 202 millions provient des fonds autonomes et la communauté s’est dotée de règles strictes pour gérer ces montants. «Chaque dollar doit être bien investi et on ne veut pas dilapider ces montants», remarque le chef Dominique. «Ça nous permet d’investir dans des programmes pour lesquels on reçoit peu ou pas de financement, notamment pour la langue, la pratique des activités en territoire ou pour le développement économique de notre milieu.»

Mashteuiatsh est très prudent avec ses fonds, notamment pour laisser une marge de manœuvre pour les générations futures, mais également pour faire fructifier ses avoirs afin de générer des sources de revenus à long terme. Ainsi, 30 % des fonds générés par les revenus autonomes sont conservés à des fins d’investissement ou pour être placés dans le fonds des générations futures.

La balance, soit le 70 % des revenus tirés des revenus autonomes, est investie dans différents fonds pour le développement communautaire (11 %), le développement culturel (33 %), le développement économique (28 %), les infrastructures (14 %) et la gouvernance (14 %).

«À chaque pas, on vise l’autodétermination et ç'a toujours été notre objectif. Depuis plus de 40 ans, on met en place une structure qui nous amène vers là. Aujourd’hui, on récolte les graines qui ont été semées par nos prédécesseurs», mentionne Guylaine Simard.

« On n’est plus nomade, mais on utilise les mêmes principes de gestion, note Patrick Courtois. Au lieu de partager un orignal, on redistribue les ressources avec des programmes et des services ».

Source : L'article est paru sur le site du journal Le Quotidien le 9 février 2024. Vous pouvez retrouver l'article ici.