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L’UQAC souhaite plus de financement pour former davantage de psychologues - Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le Fjord

L’UQAC souhaite plus de financement pour former davantage de psychologues

Alors qu’il manque dix psychologues dans le réseau de santé publique de la région, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) voudrait une hausse de son financement afin d’en former davantage pour répondre aux besoins de la population.

Chaque année, l'UQAC admet 70 étudiants au baccalauréat en psychologie, mais parmi eux, seulement dix sont acceptés ensuite au niveau supérieur, soit au doctorat. Or, pour devenir psychologue au Québec, il faut terminer des études doctorales.

Bon nombre de jeunes sont ainsi contraints de faire une croix sur leur ambition, dans un contexte où les besoins en santé mentale sont criants. 125 personnes figurent actuellement sur une liste d’attente pour consulter un professionnel dans la région, selon le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

L’UQAC se met donc en mode solution. On souhaite avoir plus d'étudiants au doctorat en psychologie, indique le directeur des programmes d'études de cycles supérieurs en psychologie, Daniel Lalande. Pour ce faire, l’institution d’enseignement espère obtenir davantage de financement du gouvernement du Québec, car des dépenses sont à prévoir.

«Ça nous prend des ressources professorales de plus, ça nous prend des locaux à la clinique universitaire où les étudiants sont formés pour la formation pratique», cite en exemple Daniel Lalande. 

Le chercheur est toutefois conscient que préparer plus de diplômés n’est pas la panacée.

«Je suis bien d'accord avec l'idée qu'on veut former plus de personnes, rendre plus de personnes aptes à travailler au public, mais il faut que ce soit intéressant de travailler au public», indique-t-il.

«On peut sortir autant de gens qu'on veut des universités, autant de psychologues qu'on veut. Ça reste que les conditions dans le réseau ne sont pas idéales. Ça révulse quelques personnes, voire la majorité des doctorants de vouloir y aller. Oui on sort plus de gens, mais en réalité, ça fait juste plus de gens pour aller dans le privé», croit Camille Fillion, une aspirante au doctorat en neuropsychologie de l’UQAC.

Fuite vers le privé

Au Québec, les psychologues quittent le secteur hospitalier et les cliniques pour pratiquer en cabinet privé. De 2013 à 2023, le nombre de psychologues qui exercent dans le réseau public a diminué de 25 %, alors que la part de professionnels au privé a augmenté de 30 %.

Cet exode s’expliquerait en grande partie par les différences de revenus. L’écart salarial est au cœur du problème. Même quand on considère tous les avantages sociaux, les régimes, les fonds de pension, les fonds de retraite qu’il y a dans le public, l’écart est de 44 % en faveur du secteur privé , explique Kevin Brassard, neuropsychologue au CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il est également membre de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, un organisme sans but lucratif dont l’objectif est notamment de freiner le départ de ses homologues vers le privé.

Les psychologues à l’emploi de l’État auraient moins de liberté pour établir le plan de soins et plus de pression au travail et de tâches administratives à accomplir. 

«Les psychologues n'ont pas beaucoup d'autonomie professionnelle. Ils ne peuvent pas exercer leur choix, leur jugement clinique davantage alors qu'ils sont formés pour ça. Il y a des ratios très élevés de gens à rencontrer. Les rencontres de psychothérapie sont raccourcies pour pouvoir voir plus de gens», énumère Gaëtan Roussy, le président de l’Association des psychologues du Québec.

Moins de superviseurs 

Le départ des psychologues vers le privé cause un autre problème. Comme en médecine, les étudiants en psychologie doivent compléter un internat à la fin de leur parcours scolaire, mais il y a de moins en moins de psychologues d'expérience qui sont en poste pour les superviser dans les CIUSSS.

Pour la première fois dans l’histoire du programme de doctorat en psychologie de l’UQAC, deux étudiants vont accomplir leur internat dans des organisations privées. Pour Daniel Lalande, il y a peu de chances que ces étudiants se retrouvent à l'emploi du secteur public ensuite. Un cercle vicieux se met donc en place.

«S’il n’y a pas davantage d’offres d’internat qui se développent au public, il va falloir se tourner vers le privé. Mais on souhaite que ce soit par le public», précise le directeur.

Car selon lui, l’internat dans le réseau de santé et des services sociaux permet des apprentissages complets. Les candidats sont confrontés à toutes sortes de clientèles, aisées ou non, et à des problématiques diverses.

Daniel Lalande croit de plus que former davantage de psychologues dans le public revient à une société plus juste. Si c'est juste les gens qui peuvent se le permettre financièrement d'avoir accès à des soins, c'est dommage. [...] Avec notre système de santé qui nous permet d'avoir des accès aux soins médicaux de façon gratuite pour tout le monde, ça devrait être la même chose au niveau aussi de la psychologie, argue-t-il.

Formation plus concrète

Pour pallier le manque de main-d’œuvre en psychologie, l’UQAC aimerait aussi modifier le contenu de sa formation au baccalauréat pour qu’elle soit plus concrète, qu’elle mise de manière plus notable sur l’acquisition de compétences utiles sur le marché du travail, afin que les diplômés de premier cycle puissent prêter main-forte dans le réseau.

L’Ordre des psychologues du Québec penche dans le même sens. Le baccalauréat actuellement ne prépare pas les étudiants au marché du travail, affirme sa présidente, Christine Grou.

Elle émet cependant des réserves. Il faut se pencher sur quelles tâches on va confier à ces bacheliers, car ils ne remplaceront pas les psychologues. Il faut bien comprendre qu’ils ne vont pas donner des services psychologiques. Mais ils peuvent donner un ensemble de services en soutien à la population, ajoute-t-elle.

Source : L'article est paru sur le site du journal ICI Saguenay-Lac-Saint-Jean le 24 juillet 2023. Vous pouvez retrouver l'article ici.