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La littérature contagieuse de Mathieu Villeneuve, le projet ambitieux du Cégep de Jonquière - Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le Fjord

La littérature contagieuse de Mathieu Villeneuve, le projet ambitieux du Cégep de Jonquière

Durant toute la session d’automne, l’auteur Mathieu Villeneuve donnait l’impression d’être un employé en bonne et due forme au Cégep de Jonquière, lui qui y a multiplié les ateliers et qui avait son propre bureau à la bibliothèque. Ce dernier est vide, désormais, mais il y a au mur, tout près, des traces de cette résidence d’écriture, sous la forme de fanzines de son cru et des étudiants. «La pointe visible de l’iceberg» d’un projet littéraire d’envergure, qui sera à l’avenir chapeauté par l’institution, et ouvert à des propositions en tout genre.

Lundi soir d’ailleurs, en marge de la présentation des résultats du Laboratoire de futurologie littéraire de Mathieu Villeneuve, était lancé l’appel de candidatures pour son ou sa successeure. Et contrairement à l’auteur de Borealium tremens cet automne, ainsi qu’à Charles Sagalane en 2022, la personne qui s’installera entre les murs du cégep, l’automne prochain, n’aura pas à remplir une tonne de formulaires.

«C’est un projet qui avait ses limites, parce qu’il était très lourd sur le plan bureaucratique. Et il y avait des critères assez précis, ce n’est pas tous les écrivains qui avaient accès. […] Là, c’est vraiment la direction qui décide que le projet en vaut la peine. On sent qu’avec cet appui-là, le Cégep de Jonquière décide de faire du français une fierté de l’institution», se réjouit l’enseignant Gabriel Marcoux-Chabot, qui portait jusque-là l’initiative avec sa collègue Doris Hélène Guérin, de même qu’avec le reste du département de Français et la bibliothèque.

Pour le reste, l’écrivain en résidence devra encore passer quelque 300 heures au sein de l’établissement; la moitié pour mener à bien un projet de création personnel, et l’autre pour échanger avec la communauté collégiale.

C’est là assez de temps pour accomplir beaucoup de choses, tel que le démontrent les résultats de la résidence de Mathieu Villeneuve. Celui-ci a presque complété la réécriture d’un roman de science-fiction ayant pour lieu les monts Valin et comme trame de fond la découverte d’un mystérieux minerai aux puissants pouvoirs, en la «saguenite». Puis il a aussi visité une vingtaine de classes à travers différents programmes, en plus de multiplier les ateliers autour de l’écriture.

On en compte quelques traces aux murs de la bibliothèque, et dans les pages de ces petits cahiers artisanaux, appelés fanzines, où l’écrivain en résidence, ainsi que les professeurs et les étudiants, ont laissé libre cours à leur imagination. Le plus souvent entre les frontières de la science-fiction, mais aussi parfois en marge de cette thématique.

«C’est ça qui est le fun avec les résidences d’écriture, c’est que ça permet d’aller ailleurs parfois. Ça nous sort un peu de notre trajectoire habituelle», fait valoir Mathieu Villeneuve, qui a en parallèle traité de blessures du passé, d’héritage familial et de masculinité à renouveler, dans un fanzine.

Dans ce grand terrain de jeu, l’étudiante Chrystel Lyna-Bouchard a pour sa part choisi de se pencher sur l’anatomie des dragons, alors que Justine Pellerin s’est risquée à imaginer un futur où les enseignants disparaissent, au profit de robots. Les autres fanzines, eux, rassemblent les écrits et les illustrations de Mathieu Villeneuve, du corps professoral et de la communauté étudiante, dont les univers se mélangent et cohabitent, au fil des pages.

«C’est la pointe visible de l’iceberg qu’a été la résidence. C’est un résultat partiel, un aperçu concret de ce qui s’est passé. Mathieu s’est beaucoup investi. Nous on a des ateliers d’écriture tous les jeudis, et il n’en a presque pas manqué un. Des fois il venait juste écrire avec nous autres. C’est super stimulant. Tu as un étudiant qui a des aspirations littéraires, tu as un prof qui a le goût d’essayer un peu ça, et à côté tu as l’écrivain reconnu, publié, et tout le monde partage son texte au même niveau», soutient Gabriel Marcoux-Chabot, ajoutant que l’auteur a même accompagné un petit groupe souhaitant participer au Prix littéraire Damase-Potvin.

Le principal intéressé dit y avoir découvert de «beaux imaginaires» et des gens au grand potentiel, dont il espère lire les publications dans le futur.

Pour tout dire, celui qui était accompagné par la guitare électrique de François Harvey (Frank et le Cosmos) pour sa lecture publique, lundi, aurait bien aimé vivre une expérience du genre, lorsqu’étudiant. Et il en a profité au maximum, comme écrivain en résidence, appréciant particulièrement sa visite dans une classe allophone, où il a pu discuter d’Afro-futurisme, et son incursion dans une simulation de réanimation cardiovasculaire, au laboratoire de soins infirmiers, à des fins de recherches littéraires.

«J’ai parcouru une vingtaine de classes pour parler de science-fiction, faire écrire les élèves, leur donner le goût de réfléchir à l’avenir et donc peut-être un peu au présent. […] Parler d’enjeux environnementaux à un joueur de hockey qui a un Honda Civic récente comme à quelqu’un qui a adopté un régime végétarien et qui s’intéresse aux enjeux politiques... On se rend compte que tout le monde est capable de se projeter et d’avoir ces réflexions-là», image Mathieu Villeneuve.

Ceux qui lui succéderont, l’automne prochain, pourront suivre une voie similaire. Ou bien aller complètement ailleurs. Et c’est là la beauté de la chose, croit Gabriel Marcoux-Chabot, ajoutant qu’un tel programme de résidence constituera une première dans le réseau collégial québécois. «Ça prend juste quelqu’un qui a la littérature à cœur et qui serait intéressant dans le cégep, pas besoin d’être bon en remplissage de formulaires et en préparation de budget! Ça ouvre l’horizon.»

Pour ceux et celles qui souhaiteraient soumettre leur candidature, tous les détails sont ici.

Source : L'article est paru sur le site du journal le Quotidien le 30 janvier 2024. Vous pouvez retrouver l'article ici.